Pour poursuivre la fabrication d’un médicament rare, les HCL cherchent une start-up capable de relancer la production du principe actif de la fumagilline.
Il y a d’un côté un enfant greffé du foie présentant des troubles du transit à répétition évoquant des gastro-entérites et d’un autre côté des médecins prêts à tout pour le sauver.
Sollicitée par la pédiatre de l’enfant, la docteure Meja Rabodonirina, biologiste spécialisée en parasitologie et mycologie, met en évidence la présence d’Enterocytozoon bieneusi dans l’échantillon biologique du patient. Ce champignon, de la famille des microsporidies, est la cause de diarrhées sévères pouvant engager le pronostic vital chez les patients immunodéprimés (dont le système immunitaire ne fonctionne pas normalement). Seule la fumagilline, un antiparasitaire utilisé depuis 1950, peut en venir à bout.
Elle se tourne alors vers la pharmacie centrale des HCL. Elle est informée que les derniers stocks de fumagilline ont été écoulés en mars 2020, la production de la fumagilline ayant cessé en 2019.
Au pavillon X, à l’hôpital Edouard Herriot, les pharmaciens de Fripharm (pour Fabrication recherche innovation pharmaceutique), sous l’autorité du Pr Fabrice Pirot, sont eux aussi bouleversés par la mauvaise nouvelle. Après avoir contacté des fournisseurs chinois, indiens et européens, Samira Filali, responsable de production à l’époque et Camille Merienne, actuel responsable du laboratoire de contrôle, parviennent à obtenir une précieuse information : 300 g* de matière première sont disponibles en Hongrie, soit la substance produite par la fermentation d’Aspergillus fumigatus, un autre champignon ayant des effets inhibiteurs puissants contre certaines microsporidies. Après discussion, le fabricant accepte d’assurer le contrôle de la matière première et son transport à moins 80°C depuis l’Europe de l’Est jusqu’à Lyon. Précisons que la molécule du principe actif est très instable, sensible aux variations de température et à la lumière.
À réception, les pharmaciens vont déployer toute leur expertise pour fabriquer un médicament personnalisé. En août 2021, un an après les premiers symptômes, l’adolescent est enfin traité. Ce travail d’équipe a ensuite bénéficié à d’autres malades, telle cette patiente qui avait perdu 20 kilos en un an et a pu être guérie après de longs mois de souffrances.
Aujourd’hui, Fripharm est la seule plateforme pharmaceutique hospitalo-universitaire au monde à produire ce médicament. En un an et demi, 27 doses personnalisées ont été produites pour autant de patients traités en troisième ligne d’intention. Récemment, un hôpital aux Pays-Bas a contacté Fripharm pour un patient immunodéprimé infecté par le parasite.
En France, environ une centaine de personnes immunodéprimées chaque année sont atteintes par des microsporidies. Le stock étant voué à disparaître, l’équipe de Fripharm s’est mise en quête d’une start-up capable de relancer la production du principe actif de la fumagilline.
* ce stock peut permettre de soigner 200 patients.
Source : Hospices Civils de Lyon