Commission d’enquête sénatoriale sur la pénurie de médicaments

publié le 16 Mai, 2023

Plusieurs représentants de l’industrie pharmaceutique puis l’ancienne ministre de la Santé, Marisol Touraine, ont été auditionnés par la Commission d’enquête sénatoriale. 

Dans un premier temps, les membres de la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments ont reçu Marc Urbain, Vincent Guiraud-Chaumeil et Michael Danon en tant que représentants du groupe Pierre Fabre, puis David Simonnet président-directeur général du groupe Axyntis, spécialisé dans la chimie fine.

Si les acteurs se sont rapidement accordés sur la nécessité de relocaliser les productions pour faire face au phénomène récurrent de pénurie de médicaments, les industriels ont voulu cibler les obstacles à la relocalisation ou au maintien sur le territoire de leurs activités.

Comme la plupart des industriels auditionnés par la commission d’enquête, Michaël Danon a évoqué, en premier lieu, le prix des médicaments comme une barrière au développement de l’activité industrielle en France et en Europe. Ce dernier a surtout mentionné les difficultés rencontrées pour augmenter les prix. Une situation dont une des principales conséquences est l’exportation parallèle. « Les distributeurs préfèrent parfois prendre les pays à bas prix via de l’exportation parallèle », explique Michael Danon.

Les représentants du groupe Pierre Fabre ciblent également la clause de sauvegarde comme étant un facteur de risque et d’imprévisibilité pour les industriels français. « Le montant de la clause de sauvegarde que nous devons a considérablement augmenté, des montants qui pèsent sur la rentabilité des entreprises », détaille Vincent Guiraud-Chaumeil. Michaël Danon considère par ailleurs que « du fait de la clause de sauvegarde, nous avons l’information sur les prix à payer extrêmement tardivement ».

Des coûts jugés importants et imprévisibles par les industriels qui empêcheraient de développer une politique tournée vers l’investissement et donc vers la relocalisation de la production.

Si David Simonnet évoque directement les difficultés liées à la délocalisation comme « l’apparition de coûts cachés, des défauts de fabrication, des coûts de transport élevés ou des situations politiques imprévisibles », il estime que la relocalisation de la production ne peut se faire que dans certaines conditions et uniquement pour certains produits. Malgré le bénéfice du crédit impôt recherche et la réception d’aides régionales et nationales, l’industriel explique ne pas avoir été en mesure de maintenir une activité suffisante dans l’une des usines du groupe située à Calais. « Aujourd’hui, il n’y a pas de place pour la relocalisation pour le développement de molécules à très fort volume, donc ça ne peut se faire que sur des molécules à très fortes valeurs ajoutées. »

Interrogé sur le cas du paracétamol et de la relocalisation de sa production en France, David Simonnet estime que « cette relocalisation est une illusion, elle sera sélective et sur des petites séries ».

Dans un second temps, les membres de la commission d’enquête sur la pénurie de médicaments ont auditionné l’ancienne ministre de la Santé. 

Marisol Touraine était aux manettes lors des premiers signes de tensions d’approvisionnement de médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. 530 déclarations de ruptures de stock en 2017 contre 44 en 2008 enregistrés par l’ANSM

C’est un décret de 2012 pris par Marisol Touraine qui a défini pour la première fois dans le droit Français, la notion de rupture d’approvisionnement. Il impose à l’exploitant d’informer l’ANSM lorsqu’il anticipe une pénurie à venir. Toujours sous l’impulsion de Marisol Touraine, la loi de modernisation de notre système de santé du 26 janvier 2016, insère dans le code de la santé publique une définition des médicaments d’intérêt thérapeutique majeur et impose aux exploitants la mise en œuvre de plan de gestion des pénuries.

Les sénateurs s’interrogent. « Les tensions d’approvisionnement ont pu montrer que rétrospectivement, ces mesures étaient insuffisantes […] Les plans de gestion des pénuries n’ont-ils pas montré leur inefficacité ? », a demandé en introduction, la présidente centriste de la commission d’enquête Sonia de la Provoté en pointant l’absence de mesures sur les origines des ruptures de stocks au stade de la fabrication du médicament.

L’actuelle présidente du conseil d’administration d’Unitaid (une organisation internationale d’achats de médicaments) a tenu à rappeler en préambule « les causes multiples » de tensions d’approvisionnement, tel que les incidents sur les chaînes de production, taille réduite du marché, tension accrue par un niveau de consommation élevé, stratégie industrielle…

La France étant réputée pratiquer des prix relativement bas sur les médicaments, ce qui rendrait le marché hexagonal moins attractif. « Les industriels sont en train de passer d’un modèle fondé sur la vente massive de médicaments à bas prix, à un modèle de niche favorisant des innovations de rupture à des prix très élevés. Les industriels ont tendance à sous investir dans les chaînes de productions vieillissantes ce qui favorise des risques d’incidents techniques ou des interruptions en raison de défaut de qualité », a exposé Marisol Touraine.

Toutefois, l’ancienne ministre dit ne pas croire à la comparaison internationale des prix des médicaments pour expliquer les pénuries en France. Plus loin, elle confie n’avoir pas pu obtenir de mise sur le marché de produits car les prix demandés étaient trop élevés.

Marisol Touraine plaide pour une « régulation » qui passerait notamment « par la constitution de stocks au niveau européen, et « par les garanties d’approvisionnement des produits actifs ».


Source : Public Sénat

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