Une équipe Inserm montre qu’un déficit en dopamine dans une région du cerveau impliquée dans la motivation est associé à l’alcoolodépendance.
Une équipe Inserm de l’Institut des neurosciences de Grenoble vient de démontrer, chez le rat, qu’un déficit en dopamine dans une région du cerveau impliquée dans la motivation est associé à l’alcoolodépendance. Les chercheurs ouvrent ainsi une nouvelle piste thérapeutique, bienvenue pour tenter de traiter efficacement ce trouble qui représente un important problème de santé publique.
En France, environ 90 % des adultes sont régulièrement exposés à l’alcool et près d’un quart en consomme trop, à savoir plus de deux verres par jour et pratiquement tous les jours. Tous les gros consommateurs d’alcool ne tombent pas dans la dépendance, seule une fraction d’entre eux développe ce trouble. Or les raisons et les mécanismes de cette vulnérabilité restent mal compris.
L’équipe de Sébastien Carnicella cherche à en savoir plus grâce à son expertise sur les circuits cérébraux de la motivation qui impliquent la dopamine. « Ce neurotransmetteur participe à l’envie de faire quelque chose, via la récompense que cela procure. Par exemple, le taux de dopamine est augmenté quand un individu consomme de l’alcool pour son plaisir. Mais l’effet de ce neurotransmetteur dans le phénomène d’addiction n’est pas clair. On suppose qu’il y joue un rôle, mais pour l’instant, les médicaments qui inhibent son action n’ont pas montré d’efficacité », explique Sébastien Carnicella.
Le chercheur et son équipe ont analysé le taux de dopamine chez des rats dépendants à l’alcool, au niveau d’une région du cerveau impliquée dans la motivation : la voie nigrostriée. Concrètement, un groupe de rats a été exposé à plusieurs reprises à de l’alcool. Certains ont développé un comportement d’addiction, c’est-à-dire qu’ils ne pouvaient pas s’empêcher d’en boire même quand la consommation était associée au déclenchement d’une stimulation désagréable. Chez ces animaux, les chercheurs ont constaté un déficit en dopamine dans la région nigrostriée. Dans un second temps, l’équipe de scientifiques a sélectionné les rats qui n’avaient pas développé de dépendance malgré leur exposition à l’alcool (la stimulation désagréable les faisait renoncer à la prise d’alcool). Les chercheurs ont diminué leur taux de dopamine dans la région nigrostriée de façon à ce que la concentration du neurotransmetteur soit similaire à celle observée chez les animaux devenus dépendants. Résultat : ces rats sont eux aussi finalement devenus dépendants. « Ces expériences prouvent l’implication d’un déficit en dopamine dans l’addiction, alors qu’elle était jusque-là débattue », souligne Sébastien Carnicella.
Cette découverte a incité son équipe à tester une piste thérapeutique : en utilisant une substance pharmacologique qui stimule la production de dopamine dans le cerveau, les chercheurs sont parvenus à réduire la dépendance à l’alcool des animaux. « Il s’agit d’une preuve de concept. Chez l’animal, l’augmentation du taux de dopamine permet de lutter contre cette addiction. Nous devons maintenant tester cette piste thérapeutique chez l’humain, sachant que le profil de sécurité de la molécule que nous avons utilisée a déjà été validé dans de précédentes études cliniques. »
Des interrogations persistent toutefois à l’issue de ces travaux, notamment sur la vulnérabilité à l’alcool. « Pourquoi au sein d’un groupe de rats exposés de la même façon à l’alcool, certains sont devenus dépendants et d’autres non ? Nous ne savons toujours pas répondre à cette question. Nous devons notamment vérifier si le taux de dopamine dans la région nigrostriée est plus faible chez les animaux dépendants avant même leur exposition à l’alcool.[…] »
Source : Inserm