Une équipe Inserm de l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée à Marseille a développé une thérapie génique à l’intention des patients concernés.
L’épilepsie est une maladie neurologique fréquente, caractérisée par l’excitation synchronisée et anormale d’un ou plusieurs groupes de neurones. En réalité, il faudrait plutôt parler de cette affection au pluriel car il existe des dizaines de formes, l’épilepsie dite du lobe temporal étant la plus répandue chez les adultes. Cette dernière se manifeste par la survenue de crises imprévisibles et récurrentes, générées dans une petite région du cerveau : l’hippocampe. Des traitements médicamenteux permettent de corriger ce dysfonctionnement cérébral chez de nombreux patients. Cependant, ils s’avèrent inefficaces dans près d’un tiers des cas. Une chirurgie peut alors être proposée pour supprimer le groupe de neurones à l’origine des crises (le foyer épileptique), sous réserve qu’il soit bien localisé et accessible. Mais chez les patients éligibles, l’ablation de tissu cérébral peut entraîner des effets indésirables et les résultats ne sont pas garantis. Aussi, seul un faible nombre de malades est opéré. De nouvelles stratégies thérapeutiques sont donc attendues pour les patients épileptiques résistants aux traitements médicamenteux actuels.
C’est dans ce contexte que Valérie Crépel, directrice de recherche Inserm à l’Institut de neurobiologie de la Méditerranée à Marseille, en collaboration avec Christophe Mulle de l’Institut interdisciplinaire de neurosciences (IINS) à Bordeaux, propose une thérapie génique. Leur approche cible GluK2, une protéine qui entre dans la composition de récepteurs impliqués dans la transmission de messages excitateurs entre neurones. « Dans l’hippocampe des patients atteints d’épilepsie du lobe temporal, une fraction des neurones dégénère et ceux qui survivent peuvent former de nouvelles connexions aberrantes avec des neurones excitateurs. Des récepteurs dits kaïnate, dont certains contiennent la protéine GluK2, s’expriment anormalement au niveau de ces connexions. Ils peuvent augmenter la transmission de messages excitateurs et contribuer aux crises épileptiques », décrit Valérie Crépel.
En collaboration avec la start-up Corlieve Therapeutics dont Valérie Crépel et Christophe Mulle sont cofondateurs, les chercheurs ont développé un vecteur, dérivé de l’adénovirus AAV, qui permet de transporter dans les cellules des patients le matériel génétique nécessaire à la synthèse de petites molécules d’ARN. Ces dernières sont conçues pour être complémentaires à l’ARN messager qui conduit à la production de la protéine GluK2. Lorsque les ARN thérapeutiques synthétisés à partir du vecteur se lient à ces ARN messagers, ils empêchent la production de la protéine GluK2.
L’équipe a testé ce système dans un modèle de souris épileptiques. Deux injections simultanées dans deux zones de l’hippocampe des animaux ont permis d’y réduire d’un tiers la production de GluK2. Cet effet s’est accompagné d’une diminution de 85 % du nombre de crises épileptiques enregistrées à l’électroencéphalogramme, ainsi qu’un retour à la normale de l’activité motrice des animaux.
Le brevet qui couvre cette approche thérapeutique a été acquis par l’entreprise uniQure (via le rachat de Corlieve Therapeutics), qui va poursuivre son développement. Une autorisation d’essai clinique est en cours auprès de l’agence américaine du médicament (FDA). « Il est prévu que cet essai inclue des patients résistants aux médicaments et éligibles à la chirurgie. L’objectif est que le traitement les soulage profondément et durablement », espère Valérie Crépel.
Source : INSERM