L’OMC a autorisé aux pays en développement de lever, pendant cinq ans, les brevets sur les vaccins Covid.
Cette décision a provoqué un tollé dans l’industrie pharmaceutique. En relativisant la propriété intellectuelle, source de financement de l’innovation, la mesure fait trembler le secteur, qui attend d’en mesurer les retombées chez ses investisseurs.
L’autre danger est le coup de boost qu’une levée des brevets risque de donner aux industries pharmaceutiques émergentes, et en forte croissance, de la Chine et de l’Inde pour concurrencer les laboratoires occidentaux sur le marché mondial. C’est l’Inde qui, avec l’Afrique du Sud, avait demandé la première à l’OMC la levée des brevets.
Dangereuse, la mesure est aussi inutile, arguent ses détracteurs. « Cet accord n’apporte aucune réponse en matière de santé publique. L’accès aux vaccins n’est pas un problème de production insuffisante du fait de l’existence de brevets – nous sommes en surproduction mondiale aujourd’hui », souligne Philippe Lamoureux, directeur général du syndicat français des entreprises du médicament (le Leem).
En mars, Moderna, a annoncé renoncer au brevet de son vaccin Covid-19 à ARN messager (ARNm) dans 92 pays à revenu faible ou intermédiaire. En mai, Pfizer s’est engagé à vendre à prix coûtant à 45 pays pauvres ses vaccins et médicaments brevetés, dont bien sûr son vaccin Covid à ARNm. Le problème pointé du doigt par tous, en Afrique, n’est pas l’offre mais la logistique de distribution et l’acceptation par les populations. Produire local peut donc être la solution. Mais là encore, les projets n’ont pas attendu l’OMC.
Moderna compte investir 500 millions de dollars au Kenya pour y produire son vaccin. Au Sénégal, l’Institut Pasteur de Dakar construit un « vaccinopole » multitechnologies devant produire dès 2023 et BioNTech a des projets d’usines mobiles dont une en Afrique du Sud. Ce dernier pays a déjà l’usine locale de vaccins Covid d’Aspen, qui a connu les pires difficultés faute de commandes suffisantes. Il reste à voir quel impact la levée des brevets aura sur ce tissu industriel naissant.
La fédération européenne (EFPIA), elle, s’est déclarée vendredi « profondément déçue » de la décision de l’OMC. Ironiquement, cette décision intervient alors que l’OMS observe un envol du taux de vaccination dans 31 pays africains. Le secteur doute que la levée des brevets traite le problème. « Il s’agit d’un accord perdant-perdant, dans lequel l’OMC n’adresse même pas les obstacles à l’accès aux vaccins qu’elle avait pourtant elle-même identifiés », juge Philippe Lamoureux. Qu’importe, l’OMC prévoit un vote avant six mois sur une éventuelle extension de la mesure aux traitements Covid curatifs et aux tests de diagnostic.
Source : Les Echos