Vers de nouveaux médicaments spécifiques pour traiter les mutations ?

publié le 10 Juil, 2024

Les travaux de IIT (Gênes, Italie) et EMBL (Grenoble) publiés dans Nature Communications posent les fondements du développement de nouveaux médicaments spécifiques aux mutations ou altérations génétiques responsables de l’apparition de tumeurs ou de maladies génétiques.

Le bon fonctionnement des cellules dépend fortement de la capacité à contrôler finement l’expression des gènes, un processus complexe par lequel l’information contenue dans l’ADN est copiée dans l’ARN pour finalement donner naissance à toutes les protéines et à la plupart des molécules régulatrices de la cellule. Si l’on imagine l’ADN comme un manuel technique dense, l’expression des gènes est la méthode par laquelle la cellule en extrait les informations utiles. 

Des chercheurs de l’Istituto Italiano di Tecnologia (IIT) de Gênes et du Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) de Grenoble ont dévoilé comment ce processus peut être modulé à l’aide de petites molécules. L’étude pose les fondements de l’identification future de potentiels médicaments agissant directement sur les mutations génétiques ou les modifications qui altèrent le processus d’expression des gènes, ciblant ainsi l’apparition de tumeurs ou de maladies génétiques.

Les résultats ont été obtenus en intégrant l’expertise de l’EMBL et du Partenariat pour la biologie structurale (PSB) en biochimie, biophysique et biologie structurelle, et en utilisant la ligne de faisceau automatisée MASSIF-1 exploitée conjointement par l’EMBL et l’European Radiation Synchrotron Facility (ESRF) pour fournir des photographies aux rayons X du processus. Ces travaux ont été combinés à l’expertise de l’IIT en matière de simulation informatique, ce qui a permis d’étudier les interactions physico-chimiques des molécules impliquées.

L’étude s’est concentrée sur l’épissage, l’un des principaux niveaux de contrôle du processus d’expression génétique. L’épissage, comme son nom l’indique, est un processus par lequel les machines moléculaires de la cellule ‘coupent et collent’ des séquences spécifiques d’ARN pour créer des versions fonctionnelles. Ces versions ‘matures’ de l’ARN remplissent ensuite diverses fonctions dans la cellule, notamment en servant d’instructions pour la production de protéines, ou directement en tant que régulateurs de divers processus cellulaires.

L’étude du processus d’épissage de l’ARN est très complexe en raison des réactions chimiques et des acteurs moléculaires impliqués, tels que l’ARN, les protéines, les ions et les molécules d’eau. Grâce aux techniques modernes de simulation moléculaire, nous avons acquis une compréhension détaillée de ce qui se passe et de la manière d’intervenir pour moduler l’épissage. Notre étude nous a déjà permis de synthétiser de nouvelles molécules semblables à des médicaments, capables de moduler l’épissage d’une manière nouvelle, spécifique et très efficace,” commente Marco De Vivo (IIT). 

En effet, les chercheurs de l’IIT et de l’EMBL, avec le soutien d’EMBLEM, la branche de l’EMBL chargée du transfert de technologies et de connaissances, et du bureau des brevets de l’IIT, ont récemment déposé un brevet décrivant de nouveaux composés chimiques agissant comme modulateurs de l’épissage. À l’avenir, en améliorant encore ces composés, il pourrait être possible de réguler la production de protéines spécifiques liées à des gènes défectueux ou à des mutations génétiques.

La visualisation de la modulation de l’épissage au niveau quasi atomique est époustouflante. Elle nous permet de contrôler l’une des réactions les plus fondamentales de la vie. À plus long terme, nous allons consolider l’intégration concluante de nos études expérimentales biologiques avec les études chimiques et computationnelles de nos collaborateurs, en visant un objectif ambitieux : développer de nouveaux médicaments, tels que des antibactériens et des agents antitumoraux,” déclare Marco Marcia (EMBL). Cette recherche s’inscrit également dans le cadre de l’initiative RNA Flagship de l’IIT, consacrée au développement et à l’application de nouvelles technologies basées sur l’ARN.

Source : Nature communication

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