Dans son rapport remis à la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, la Cour des comptes s recommande de l’étendre de manière sélective, dans le cadre d’une stratégie globale de sobriété médicamenteuse.
En France, la boîte constitue l’unité de référence pour la fabrication, la distribution et la tarification des médicaments. Elle garantit la traçabilité, l’authenticité et la sécurité du circuit pharmaceutique. Les prix, les marges des grossistes et la rémunération des pharmaciens sont tous calculés sur cette base. Ce modèle, bien que robuste, entraîne souvent une délivrance en excès par rapport aux prescriptions, générant du gaspillage, des risques d’automédication et des nuisances environnementales.
La délivrance à l’unité est déjà obligatoire pour certains stupéfiants, en raison de leur dangerosité. 90 % des officines ont été conduites à réaliser au moins un déconditionnement de boîtes de stupéfiants en 2024 avec, en moyenne, une délivrance à l’unité par semaine, ce qui représente environ 10 % des délivrances de stupéfiants et assimilés, et 8 % des dépenses correspondantes.
La délivrance à l’unité des antibiotiques a été autorisée par la loi de 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, prise à la suite d’une expérimentation réalisée en 2015 et évaluée par l’Inserm. Toutefois, cette pratique reste rare : en 2024, seuls 1,1 % des antibiotiques ont été délivrés à l’unité, et l’ensemble des délivrances unitaires ne représente que 0,08 % des dépenses de médicaments en ville.
Dans les établissements de santé, la délivrance à l’unité est la norme. Les doses sont préparées individuellement pour chaque patient, souvent à l’aide de robots. En officine, la préparation des doses à administrer (PDA) s’est développée, notamment pour les résidents d’Ehpad, mais elle reste concentrée entre quelques opérateurs et peu encadrée juridiquement.
La Cour souligne que les bénéfices économiques d’une généralisation de la délivrance à l’unité sont difficiles à mesurer. Une étude de l’Inserm a montré une réduction de 10 % de la consommation d’antibiotiques grâce à cette pratique. Appliqué à l’ensemble des médicaments en forme orale sèche pour des affections non chroniques, cela représenterait une économie théorique de 450 M€ (atténuée par les coûts de mise en œuvre), pour une quantité épargnée de l’ordre de 120 millions de boîtes.
La transformation du modèle nécessiterait :
- une adaptation des chaînes de production,
- une réorganisation du réseau officinal,
- l’équipement des pharmacies en robots (coût estimé entre 1 et 4 Md€),
- une refonte des systèmes d’information et de facturation.
La Cour constate qu’aucun pays n’a opéré une transition complète vers ce modèle, et que les systèmes qui pratiquent la délivrance à l’unité (Pays-Bas, Royaume-Uni, Amérique du Nord) l’ont intégré dès l’origine.
En conclusion, plutôt que de bouleverser le système, la Cour recommande :
- d’adapter les conditionnements aux prescriptions les plus courantes,
- de refondre la rémunération des pharmaciens pour valoriser l’acte de dispensation (conseil et de supervision des traitements),
- de réglementer les quantités délivrées en début de traitement chronique,
- de définir un tarif à l’unité complémentaire à celui de la boîte,
- de mieux encadrer la pratique de la PDA, notamment par une obligation de déclaration et des contrôles.
Elle propose également d’expérimenter des modèles de mutualisation ou de sous-traitance entre officines, inspirés du système néerlandais, pour améliorer le suivi des patients polymédicamentés à domicile.
Source : Rapport de la Cour de comptes

